La
centrale électrique du Theusseret mise à la retraite après… 80 années
de service
Le
vendredi 5 mai 1972, à 14h00, M. Ackermann, machiniste, annonçait avec
un brin d'émotion l'arrêt définitif de la centrale du Theusseret.
Construite dès 1891 par un consortium privé, cette petite centrale fut
mise en service en 1892, au profit de la commune de Saignelégier, qui
avait financé le projet. Et c'est ainsi que Saignelégier fut une des
premières communes de Suisse à posséder une usine électrique et une
des premières localités du Jura à être dotée d'énergie électrique.
Une
première turbine de 60 ch entraînait deux alternateurs monophasés de
50 ch.
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Le transport d'énergie sous 1400 V était assuré par une ligne
aérienne de 3,8 km aboutissant à la "station motrice" de l'école
de Saignelégier. Avouons que ce n'était pas mal du tout : honneur aux
pionniers de l'époque. Mais en 1904, déjà, une transformation complète
de l'usine s'imposait afin de suivre le développement rapide de l'électricité
en ce début du XXe siècle.
En
1928, un manque chronique d'énergie nécessitait une nouvelle
adaptation de la centrale. L'installation d'un nouveau groupe était décidée
et, dans l'année 1929, l'alternateur triphasé MFO 270 kVA entraîné
par une turbine "Vevey" était mis en service. Depuis cette
date, il a fourni "bon an mal an" son "petit"
million de KWh jusqu'à ce fatidique… 5 mai 1972.
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Or le Doubs est une rivière capricieuse, dont le débit,
suivant les saisons et les périodes de sécheresse, passe de 200 m3/sec.
à 1 m3/sec., ce qui explique que la plus belle… turbine du
monde ne peut donner que ce qu'elle reçoit. La marche en réseau
autonome n'étant plus possible, une autre solution s'imposait, à
choisir entre 3 variantes : groupe thermique-Diesel, liaison au réseau
SEG, ou au réseau FMB. Ce fut la dernière variante qui l'emporta et,
en 1933, la centrale du Theusseret fut reliée au réseau… des
"Bernisch" comme le disait le maire de l'époque.
Enfin,
le 1er janvier 1959, la centrale devenait propriété des
FMB, la commune de Saignelégier ayant vendu l'ensemble du réseau électrique.
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Quelques
faits d'histoire et de "petite histoire"
L'usine
du Theusseret était au bénéfice d'un droit d'eau perpétuel (ancien
droit du Moulin du Theusseret) garanti par un traité, signé en 1780,
entre le roi de France, Louis XVI et le prince-évêque Friedrich de
Wangen-Geroldseck. Ce traité fixait la nouvelle frontière sur la rive
droite du Doubs, de telle sorte que la rivière est entièrement française
entre la borne des Trois Evêchés, à Biaufond, et la borne 605, à
Clairbief. L'imprévoyance du prince-évêque, occupé à chasser en
compagnie de la princesse Christine de Saxe, nous occasionne encore de
nos jours bien des ennuis…
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Lors
de l'application de la nouvelle loi cantonale sur l'utilisation des
eaux, en 1905, les autorités de Saignelégier refusèrent de payer une
concession bernoise pour l'utilisation d'une eau "entièrement française"
découlant d'un droit perpétuel garanti par le traité de 1780. La loi
étant la loi, il fallut payer.
En
1926, cette même situation faillit créer un incident diplomatique
entre la France et la Suisse. Le maire de l'époque, homme énergique
s'il en fut, décida d'exhausser le barrage sans en demander
l'autorisation au service compétent du pays voisin. |
Tablant
sur la lenteur légendaire de l'administration de la IIIe République,
il pensait arriver à ses fins en travaillant très rapidement, et une
fois le barrage exhaussé… j'y suis j'y reste ! Le matériel fut déposé
sur place et les forages exécutés sur la longueur entière du barrage.
Mais,
pour une fois, l'administration se réveilla et la vitesse de
transmission des télégrammes eut raison de la rapidité d'exécution
des travaux. Il fallut, bien à regret, remonter sacs de sable et de
ciment sur le haut plateau et laisser la hauteur de chute à sa cote
initiale.
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Création
du Centre de canoë-kayak L'Eau-Vive
L'usine
du Theusseret n'étant plus rentable, les Forces Motrices Bernoises décidèrent
de la mettre en vente.
La
reprise de l’usine fut proposée aux Forces Motrices de la Goule, déjà
propriétaires de vastes domaines dans la région.
En
tant que créateur du terrain de camping de la Fédération Suisse de
Canoë sur la propriété des Forces Motrices de la Goule, Michel Weber,
ainsi que d'autres membres du Canoë-Club Genève connaissaient bien
la région et ne cachaient pas leur intérêt pour ce bâtiment.
Les bonnes relations entretenues avec M. Christe (chef d'exploitation à l'usine des |
Forces
Motrices de la
Goule) aidant, ce dernier proposa aux Forces Motrices de la Goule de
renoncer à l’achat de
l'usine du Theusseret au cas où la Fédération Suisse de Canoë
s’intéresserait à transformer l’usine en centre de canoë-kayak.
Après
étude, la Fédération Suisse de Canoë renonça à l’achat, les
frais de rénovation étant trop élevés et autorisa le lancement d'une souscription au sein des membres de la Fédération afin de
savoir qui serait intéressé à devenir propriétaire par
l’acquisition d’une part sociale.
Malgré
tous leurs efforts, les promoteurs n'arrivèrent pas à réunir la somme demandée.
Face aux différentes offres, les Forces Motrices Bernoises donnèrent
malgré tout la préférence au sport et à la jeunesse.
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C'est
ainsi que, le 22 octobre 1972, un groupe de canoéistes fonda la Société coopérative L'Eau-Vive et devint propriétaire
de l'usine du Theusseret et du terrain qui l'entourait.
Le
Centre de canoë-kayak L'Eau-Vive était né.
Après
les élans de générosité des décideurs, ce fut celui des bénévoles
qui, par dizaines, offrirent leur temps libre pour démonter le canal,
enlever les machines, aménager les
dortoirs, construire le groupe sanitaire, le garage à bateaux,
l’atelier etc.
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